• La Maison derrière la Gare

     

     ©Tous droits réservés.


    La Maison derrière la Gare

     

    J'ai toujours été maudit. C'est sûr, un dieu de l'enfer a dû me pointer du doigt à ma naissance ! Oh, non pas que j'aie une vie familiale terrible : j'ai deux parents – ce qui est déjà bien - , un petit frère plutôt attachant, et un chien aimant. Jusque là, tout va bien. Mais si seulement Royal était un chien plus féroce, si seulement Terry était un frère... plus costaud ! C'est vrai, quoi, cette vie de famille trop pépère me porte la poisse, moi, Tom, le garçon sans doute le plus boutonneux du quartier ! Et en plus de ça, en plus des problèmes que je n'ai pas, je suis aussi le premier de ma classe. Alors là, catastrophe intersidérale !! Je suis contagieux, infréquentable, donc personne ne daigne m'adresser la parole. Dans mon collège, tout le monde se fiche de moi. Et tous les plans dans lesquels m'impliquent certains de mes camarades s'avèrent être des plans complètement foireux ; comment oublier le dernier qu'ils me firent vivre ?? C'était de très loin le plus terrible...

    C'était un bel après-midi de Juin, juste avant la fin des cours. Nous sortions de classe, joyeux à l'idée que la porte séparant « année » et « vacances » se rapprochait de jour en jour. Évidemment, je marchais seul avec mon gros sac carré sur le dos, silhouette type de l'intello de service, quand soudain la petite troupe de Mathieu me rattrapa au pas de course. Mathieu, c'était le beau gosse de la classe, le plus costaud et de loin le plus cancre de tous ; il s'entourait toujours de ses fidèles admirateurs, Leslie la blonde, Thomas le brun et Estelle-cheveux-roses, qui s'était fait faire des mèches d'une couleur criarde qui, bien sûr, ne lui allait pas du tout. 

    « Eh, Tom ! s'exclama Mathieu d'un ton qui présageait le pire. T'as prévu quelque chose là, tout de suite ? 
    - Euh... hésitai-je, rougissant (mais pourquoi fallait-il toujours que je rougisse aux moments les plus critiques ??). Ben... Je pensais aller manger, là...
    - Toujours réglé sur tes horaires fixes, toi, hein ? se moqua Mathieu. Tu ne pourrais pas un peu te détendre, non ? C'est bientôt les vacances, mon gars, plus besoin de mettre le nez dans tes classeurs ! 
    - Mais mes parents m'attendent !
    - Ah oui, Papa-Maman... 
    - Oublie-les un peu, tu veux ? s'impatienta Leslie. On voulait t'inviter à venir avec nous au squat, derrière la gare. Si tu veux venir, décide-toi, on ne fera pas trente mille offres. »

    Ouh là là... Ça ne sentait pas bon du tout. Mais je ne voulais surtout pas avoir l'air d'un imbécile, et pour une fois que je pouvais enfin découvrir le lieu où se retrouvait la moitié de la classe pendant les week-ends, je n'allais pas laisser passer ce coup ! Surtout que ça pouvait être une occasion de me faire aimer un peu plus...

    « D'accord, je viens, dis-je d'un ton décidé. Mais en échange, je voudrais pouvoir envoyer un sms à mes parents. Sinon, vous pouvez être sûrs qu'ils viendront me chercher d'ici une heure. »

    Mathieu grogna mais, tout en marchant en direction de la gare, il accepta de me tendre son portable dernier cri d'un geste désinvolte. Je ne voulus surtout pas dire que je ne savais pas l'utiliser. Heureusement, je parvins à me débrouiller et bientôt, nous fûmes en vue des rails. Mathieu nous entraîna vers un vieux wagon abandonné à l'écart, le contourna et s'amusa à suivre un rail, ignorant le train de marchandises qui passait à quelques mètres de là. Je n'étais pas fier du tout et je craignais la réaction familiale ; à treize ans, je ne m'étais jamais permis de sortir sans autorisation, et surtout pas dans un endroit si dangereux, si... mal-famé... 
    Nous dûmes marcher ainsi, zigzaguant entre les wagons, durant au moins un quart d'heure, puis Mathieu bifurqua vers un vieux tunnel décrépi et s'engouffra à l'intérieur. J'hésitai avant de le suivre, de plus en plus mal-à-l'aise. Je commençais à regretter sérieusement de l'avoir suivi ! 

    « Alors, on a peur ? jubila le chef de la bande. T'inquiètes pas, on a cherché des cadavres un peu partout dans ce tunnel mais on n'a jamais rien trouvé. Aucun squelette ne te sautera dessus pour te dévorer.
    - Ah ah, très drôle, bougonnai-je, presque inaudible. Ça résonne ici et ça pue, quand est-ce qu'on y arrive à ton squat ?
    - Bientôt, tu verras. »

    Mouais. Je commençais à me demander s'il ne me menait pas en bateau, le cancre ! 
    Mais au bout du tunnel, nous débarquâmes dans un vieux jardin en friche entouré de barrières mangées aux mites, et dont les hautes fougères m'arrivaient à la taille. En face de nous, tout aussi décrépie, une maison à deux étages se dressait maladroitement, son toit si abîmé qu'il s'ouvrait carrément sur le grenier. Brr... C'était vraiment un cliché de maison à la Chair de Poule. 

    « Et voilà notre royaume ! s'exclama fièrement Mathieu. Sympa, non ? 
    - Euh... Un peu vieux mais... cool... répondis-je, les tripes nouées. Vous n'avez pas peur des fantômes, là-dedans ?
    - Si, mais c'est ça qui est génial ! s'esclaffa Thomas. Quand on vient le soir, on se raconte des histoires de peur et je te jure que c'est vraiment effrayant. 
    - De toute façon, qu'il fasse jour ou nuit, à l'intérieur, c'est toujours aussi sombre ! ajouta Leslie. On a toujours aussi peur quand on y entre !
    - Ouais, enfin, sauf au salon du rez-de-chaussée, reprit Mathieu. On s'est fait un quartier général du top. On a récupéré des vieux trucs genre matelas un peu partout et maintenant c'est la classe. 
    - Mais... Est-ce que vous êtes déjà allés dans les étages ? demandai-je en déglutissant avec peine.
    - Affirmatif, l'intello, me répondit le chef. On a même exploré le grenier, de fond en comble. Il y a des trucs de mamie, des vieux machins tout poussiéreux, et c'est tout. Ça fait trois ans qu'on vient là et on a jamais été dérangés par un fantôme, si c'est ce que tu crains. Bon, le plancher du premier étage est un peu dangereux, mais à par ça, rien de méchant. 
    - Ce... Ça me rassure... »

    Toute la bande éclata de rire. Mathieu se dirigea d'un pas décidé vers la porte, qui tenait à peine sur ses gonds, et la poussa avec assurance dans un grincement sourd. À présent rassuré, j'eus presque envie de rire : c'était bien trop cliché pour qu'un esprit morbide vienne nous déranger maintenant !

    Lorsque nous arrivâmes dans ce qu'il restait du salon, je fus agréablement surpris : une grande table pas trop sale était entourée de douze chaises dont certaines étaient percées, plusieurs matelas presque propres étaient disposés autour de la pièce et une cheminée toute noire de suie attendait patiemment que quelqu'un l'allume. Évidemment, au début de l'été, ce n'était pas obligatoire, mais bon... 
    Thomas alla ouvrir les volets qui masquaient la lumière et nous pûmes admirer le terrain vague, réchauffés par les rayons du soleil qui éclairaient à présent une bonne partie de la pièce. Ce n'était pas si mal, ici ! 
    À présent qu'il faisait jour, je remarquai que le sol et les murs avaient été nettoyés avec les moyens du bord. C'était sans conteste la salle la moins poussiéreuse de la maison !

    « Tu veux du coca ? demanda Estelle, se relevant devant un placard ouvert.
    - Pourquoi pas ? répondis-je. Et... dites... »

    Tous se tournèrent vers moi.

    « Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi cette maison avait été abandonnée, et pourquoi tous les meubles y étaient restés ? 
    - Plein de fois, tu peux pas savoir ! s'exclama Leslie en me servant dans un verre à pied. Peut-être que l'ancien propriétaire n'avait pas de descendants, et donc que tout est resté abandonné là...
    - Mouais... Mais si cet homme – ou cette femme – avait été dans cette situation, je pense que l'Etat se serait saisi de tous ses biens. 
    - Je n'y avais jamais pensé... songea Mathieu. C'est qu'il n'est pas bête, notre Tom ! »

    Encore une fois, je fus assailli par un violent rougissement qui m'exaspéra au plus haut point. 

    « Ce qui est bizarre, aussi, c'est que personne ne l'ait achetée, poursuivis-je, ou bien que l'Etat n'ait pas décidé de raser la maison, qui est pourtant placée à un endroit assez gênant. Derrière, c'est la banlieue, et devant, c'est la gare. Cet endroit est coincé entre les deux.
    - Ouais, c'est le seul endroit où j'ai vu de l'herbe et des arbres dans cette ville, dit Mathieu.
    - Peut-être qu'on est les seuls à pouvoir voir la maison, peut-être qu'en fait on est des messagers interdimensionnels et qu'on a découvert un autre monde ! s'exclama Thomas, les yeux brillants.
    - Très drôle... répliqua Estelle en s'asseyant face à son coca.
    - Vous m'avez dit que toute la classe était déjà venue par ici, repris-je. Ce serait bizarre que nous soyons tous des élus, non ? 
    - Ben, pourquoi pas ? s'enflamma Thomas. La classe de 4°6, grande réunion des élus interdimensionnels... 
    - Arrête tes bêtises, Thomas, mon père est déjà venu ici, et d'autres avant nous, grogna Mathieu. 
    - Et personne n'a pensé à piller tous ces meubles... songeai-je. Regardez, il y a des beaux trucs ici. Il y a même un vieux piano ! »

    J'avisai le vieil instrument, dans un coin du salon, recouvert d'un tissu de toile rendue grise par la poussière. C'était un piano à queue marron qui paraissait très ancien, mais qui avait dû connaître son heure de gloire quelques décennies plus tôt. 

    « Ouais, mais il sonne carrément faux, dit Leslie. On l'a essayé plusieurs fois, la moitié des touches ne marchent plus.
    - En tout cas, il y a de l'argenterie, des verres en cristal, des étagères en bois massif qui doivent valoir un paquet d'argent ! répliquai-je en examinant mon verre de coca finement décoré. Et rien n'a été volé. On pourrait faire un tour dans les étages ?
    - Pas de problème, mon vieux. »

    Aussitôt, nous nous levâmes et Mathieu nous entraîna vers un escalier dont chaque marche grinçait et pliait sous notre poids. Cette maison commençait vraiment à m'intéresser... 
    Effectivement, le plancher du premier étage faisait pitié ; il manquait des planches et par endroits, il était gondolé, plié ou bombé, indiquant que le plafond prenait l'eau et que nous avions intérêt à faire attention où nous mettions les pieds. Nous contournâmes donc les endroits dangereux et, au fur-et-à-mesure de notre progression, je regardai les chambres, les lits finement ouvragés, les vieilles bougies encore à moitié consumées, m'efforçant de distinguer quelque chose dans cet environnement si sombre. Ensemble, nous décidâmes d'ouvrir les volets pour y voir plus clair. Les murs des pièces étaient certes décrépis, mais il restait encore quelques lambeaux de fresques qui, dans le passé, avaient dû être splendides.

    « Cette maison me fiche le cafard... » murmurai-je pour moi-même.

    Je suivis les autres jusqu'à un autre escalier dont la rampe représentait une sorte de dragon-serpent à gueule ouverte, et nous débouchâmes sur le dernier étage, si poussiéreux que nous eûmes du mal à respirer. Encore une fois, nous ouvrîmes les volets et nous pûmes admirer le grand bureau dans lequel le propriétaire avait dû travailler. Curieux, j'allai ouvrir les tiroirs des meubles et je découvris plusieurs photographies en noir et blanc, rongées par les souris, où l'on apercevait un jeune homme souriant aux grands yeux sombres et aux cheveux mi-longs, bruns. Il était vêtu d'un splendide costard qui laissait deviner un corps svelte et musclé. Sur une des images, il appuyait son menton sur ses mains et l'on pouvait distinguer ses longs doigts agiles qui épousaient doucement la forme de son visage.

    « Vous avez vu ? demandai-je. 
    - Quoi ? s'enquit Thomas en venant vers moi.
    - C'était lui qui vivait là, répondis-je en lui montrant les photos. Il devait être pianiste, vu la forme de ses mains. 
    - Il n'y a aucune photo de lui version plus âgée, fit remarquer Leslie. 
    - Peut-être sont-elles dans un autre tiroir ? 
    - Non, on a déjà regardé, dit Mathieu. Si tu veux des tasses à café, des métronomes ou des partitions, il y en a plein dans ce meuble-là. 
    - C'est sûr, alors, c'était un pianiste, déclara Estelle. 
    - Aucune photo de sa famille... songeai-je. Quelle vie a-t-il eu ? Qu'est-ce qui l'a amené à tout quitter, comme ça, du jour au lendemain ?
    - Qu'est-ce qui te fait dire qu'il est parti d'un coup, d'abord ? pouffa Mathieu. 
    - C'est évident, non ? répondis-je. Je ne vois pas pourquoi il serait parti en laissant ici toutes ses affaires ! Même les lits, en-dessous, ne sont pas défaits !
    - Eh, regardez ! » s'exclama soudain Thomas, émergeant d'un grand placard qui atteignait le plafond.

    Nous nous tournâmes tous vers lui, surpris. Il tenait devant lui un grand costard défraichi, beaucoup plus haut que lui, et qui me rappelait furieusement quelque chose...

     

     

    La Maison derrière la Gare

     

    « C'était celui-là qu'il portait sur la photo ! compris-je en un éclair. Incroyable !
    - Il y a plein d'autres vêtements là-dedans, reprit Thomas, fier de sa trouvaille. »

    Aussitôt, nous nous précipitâmes tous vers un tiroir et nous commençâmes à fouiller de fond en comble. La poussière me grattait de partout, mais j'étais littéralement hypnotisé par ce que je voyais, par toutes ces choses qui avaient appartenu au passé et qui réapparaissaient à présent, devant nos yeux, issues d'une autre époque. Ces vêtements, ces objets devant moi, ils connaissaient tous ce qui était arrivé à leur maître, ils avaient tous vu le jeune homme de la photo, entendu sa voix, entendu son piano lorsqu'il marchait encore... Soudain, un bouffée de chaleur m'envahit et je dus refouler une boule dans ma gorge ; ce passé m'émouvait beaucoup.

    « Ouais, bon, on redescend, là ? s'impatienta Mathieu. Ce ne sont que de vieux machins inutilisables, pas la peine d'en faire tout un flan ! 
    - Tout dépend de ce que tu trouves, Mathieu, répliqua Thomas. Je viens de tomber sur un portefeuille plein de pièces que je ne connais même pas, ça doit valoir une fortune !
    - Pas une fortune, dis-je en me rapprochant, ce sont des anciens francs, mais c'est vrai qu'il y en a pas mal.
    - La vache ! s'exclama Leslie, alléchée par les pièces. Montre voir !
    - Pas touche, c'est à moi ! grogna Thomas. J'ai trouvé, je garde.
    - Il doit y en avoir d'autres, souffla Estelle en se précipitant vers des tiroirs encore inexplorés. Là, regardez, une montre en or ! »

    Pendant que la petite bande s'affairait à la recherche d'autres trésors, comme des voleurs rapaces, j'avisai la grande armoire qui montait jusqu'au plafond. Des tonnes de livres plus vieux les uns que les autres recouvraient les étagères croulantes, et je retrouvai avec bonheur tous les grands classiques de la langue française. Dans un coin, des dizaines de partitions s'étalaient en rangs serrés, abandonnées depuis des lustres. Je songeai que toutes avaient dû être jouées, à une époque, appréciées, écoutées, touchées... En en prenant une, je distinguai des centaines de petites annotations à l'encre noire, annotations en pattes de mouches que je ne parvins pas à déchiffrer.

    « La langue secrète des musiciens... murmurai-je entre mes dents. Fascinant... »

    De plus en plus intéressé, je me remis à prendre un livre, une partition, un dictionnaire, rien que pour regarder la date de parution ; tous dataient d'au moins cent ans en arrière. 

    « Edouard d'Erythan ! »

    Surpris par cette étrange intervention, je me retournai.

    « Quoi ? demandai-je en direction de la voix féminine.
    - Ton pianiste, répéta Leslie, qui tenait une vieille lettre dans sa main, il s'appelait Edouard d'Erythan. C'est marqué là.
    - Génial, montre-moi ! m'exclamai-je en récupérant le précieux écrit.
    - Tu me fais marrer ! s'esclaffa Mathieu. Ce n'est qu'une vieille lettre !
    - Et alors ? m'enquis-je. Vous n'êtes pas curieux de savoir qui vivait ici, à qui appartenait votre quartier général, pourquoi tous ces meubles sont encore là ?
    - Ben, de toute façon, il est mort maintenant... répliqua Estelle en examinant de loin un tiroir resté fermé. Et puis on a déjà vu tout ça, très rapidement je te l'accorde, mais n'empêche.
    - Vous n'aviez pas trouvé l'argent, ni la montre en or, ni fait le rapprochement entre les photos et le costard, les photos et le piano.
    - Oui, bon, ça va, Tom ! m'interrompit Mathieu. Ne recommence pas à faire ton intello.
    - Désolé. Je... Je pensais que c'était intéressant... 
    - Tout le monde n'est pas curieux comme toi, déclara Leslie comme si ce qu'elle disait était une grande phrase philosophique. »

    Il y eut un silence durant lequel tout le monde paru plongé dans ses pensées. Je jetai un oeil à ma lettre, mais l'écriture était si difficile à lire que je renonçai à la déchiffrer. Puis Estelle alla s'accroupir près du tiroir resté inexploré et commença à essayer de l'ouvrir ; la petite porte lui résista.

    « Ben tiens, Tom, dit-elle d'un ton un peu hautain, si tu es curieux, tu peux m'aider à ouvrir ce tiroir. Qui sait, peut-être y a-t-il un trésor inestimable tel qu'un livre de la main de ton pianiste à l'intérieur ! »

    Levant les yeux au ciel, je vins à son secours malgré mes réticences. Ensemble, nous nous mîmes à tirer de toutes nos forces pour ouvrir le tiroir, mais il n'y eut rien à faire. Thomas et Mathieu se rapprochèrent alors et joignirent leurs forces aux nôtres, agrippant ce qui restait de place sur la poignée dorée.

    « Purée, c'est incroyable comme elle résiste ! m'exclamai-je. Elle doit être rouillée... »

    Nous luttâmes pendant plusieurs secondes encore. Et puis soudain, comme ça, sans prévenir, il y eut un craquement sonore et la poignée s'arracha du bois dur ; sans comprendre, nous partîmes tous en arrière sans pouvoir nous arrêter, sous le regard ébahi de Leslie. Dans un choc brutal, nous allâmes tous nous écraser de tout notre long sur l'étagère du mur d'en face, celle pleine de livres, et mon dos me fit tout d'un coup atrocement souffrir. L'atterrissage me coupa le souffle et je perdis momentanément toute notion du temps. Mais soudain le rire à perdre haleine de Leslie me sortit de mon semi-évanouissement. Je ne devais avoir perdu connaissance que pendant une fraction de secondes. Quoique... 
    Lorsque j'ouvris les yeux, je crus d'abord que j'étais devenu aveugle : il faisait si sombre, ce n'était pas normal ! Nous venions d'ouvrir les volets... 
    Mais je compris que j'étais enseveli sous une montagne de livres que le choc avait précipités sur le sol – en l'occurence, sur nous. Grognant de douleur, je m'efforçai de me dégager et demandai :

    « Ça va, à côté ? Rien de cassé ? »

    Pour toute réponse, j'eus droit à un juron des plus abominables que j'aie jamais entendu.

    « Je suppose que ça veut dire oui... repris-je.
    - Espèce d'abrutis, vous et vos idées débiles !! s'exclama Mathieu en m'envoyant des livres dans la figure. Tout ça pour un fichu tiroir qui ne s'est même pas ouvert ! Si je ne me suis pas cassé quelque chose avec ça, c'est vraiment que j'ai une bonne étoile !
    - Ça doit être ça, alors, bougonnai-je. »

    Enfin, après une rude bataille contre les livres mes assaillants, je fus extirpé de ces sables mouvants pour le moins originaux grâce à l'aide de Leslie. En regardant autour de moi, je vis que tout s'était écrasé un peu partout et qu'aucun ouvrage ne tenait encore debout sur son étagère, les uns ayant entraîné les autres dans leur chute. Près de moi, Estelle, Thomas et Mathieu se redressaient, couverts de bleus ; je ne devais pas être plus beau à voir qu'eux. 

    « Bon, ben comme ça c'est fait, on a vraiment troué le plafond du premier étage... » dit Thomas en fixant un endroit du parquet sous la fenêtre. 

    Effectivement, certains gros livres contenant sûrement des savoirs trop lourds avaient carrément perçé le plancher et étaient allés s'étaler un étage plus bas. Je ne sais pas pourquoi je me mis à rire avec les autres à la déclaration de Thomas, car cet écroulement n'avait rien de drôle, au départ. Ce n'était vraiment pas respectueux pour ce pauvre Edouard Bidule, mais ma seule excuse était néanmoins que je n'avais pas du tout fait exprès. 

    « Encore heureux que ce ne soit pas l'étagère qui nous soit tombée dessus, dis-je une fois mon rire maîtrisé.
    - Ouais, fit Mathieu d'un ton sarcastique, on serait juste morts. Bon on redescend maintenant, c'est...
    - HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! »

    Stupéfaits, manquant certainement tous de très peu la crise cardiaque, nous sursautâmes et nous eûmes juste le temps de voir Leslie sauter sur le bureau, hurlant de terreur. Tout à coup figés d'effroi, nous osâmes à peine regarder en direction de la source de sa terreur... Et nous nous retrouvâmes face à face avec... un rat ! Celui-ci venait de sortir du trou béant laissé par la poignée arrachée, et il semblait que le cri de Leslie l'eût paralysé lui aussi.

    « Chasse-le, chasse-le !! s'écria cette idiote, ne se doutant certainement pas du nombre de décibels qu'elle nous envoyait dans la figure. 
    - Non mais je rêve... » lâcha Mathieu, prenant presque pitié face à une réaction aussi excessive.

    Il s'avança vers l'animal à pas rapides et se contenta de s'exclamer d'un ton sec :

    « Allez ouste ! Du balais ! »

    Le rat ne se le fit pas dire deux fois ; prenant ses pattes à son cou, il fila vers l'étagère désormais vide de livres, grimpa sur la première planche et disparut dans une fissure du mur.

    « Chasse-le, chasse-le ! continuait de hurler Leslie, montrant la fissure.
    - Mais c'est bon, il est parti ! » répliqua Mathieu en allant carrément frapper sur le mur pour faire peur à la petite créature.

    Mais soudain, il se figea au milieu de son geste. 

    « Quoi ? s'inquiéta Thomas, incertain. 
    - Écoutez... » murmura Mathieu d'un air ébahi.

    Et il frappa de nouveau près de la fissure. Un son grave et étonnamment creux en sortit.

    « Vous entendez ? demanda-t-il, un lueur d'excitation dans le regard. C'est creux ! Il y a quelque chose à l'intérieur !
    - Un trésor ?! sursauta Thomas, aussitôt alléché.
    - Pourquoi pas ?? s'exclama Estelle.
    - Je suis sceptique... ajoutai-je.
    - Aidez-moi ! » ordonna Mathieu, ignorant ma remarque.

    Immédiatement après, ils se déchaînaient sur la fissure pour essayer de faire un trou dans le mur. Comme c'était couru, ils ne parvinrent qu'à arracher de minuscules morceaux de plâtre et déclarèrent bientôt forfait.

    « Bon, Tom, tu n'as rien fait. Va chercher le tisonnier près de la cheminée, en bas, me dit Mathieu.
    - En... En bas ? bégayai-je, rougissant de nouveau. Mais... Personne ne veut venir avec moi... ?
    - Oh, ça va, t'es plus un bébé, maintenant ! Puisqu'on te dit qu'il n'y a pas de fantôme ! T'as peur de quoi, au juste, des rats ?? »

    Leslie jeta un regard noir à Mathieu mais ne dit rien. 

    « Euh... N-non, je... de rien... 
    - Ben alors vas-y, et grouille-toi, on n'a pas que ça à faire. »

    Résigné, je partis en courant vers les escaliers, faisant attention à ne pas passer au travers du plancher. Mieux valait aller vite pour ne rien voir passer, au cas où. Brrr, les pièces étaient plus sombres que prévu, ça fichait vraiment la frousse. 
    Je fus en bas en quelques secondes et, ne regardant que mon but, je m'emparai du tisonnier et remontai à toute allure jusqu'au dernier étage. Je ne savais plus très bien si j'avais bien fait de venir, finalement. 
    Lorsque je déboulai dans le bureau, les quatre comparses m'attendaient avec une mine exaspérée.

    « Tu devrais penser à maigrir un peu, parfois, lâcha Estelle en me regardant de haut en bas. À force de rester les fesses collées à ta chaise de travail, tu vas finir par devenir obèse. 
    - Pourquoi, Madame n'est pas satisfaite de ma vitesse de course ? sifflai-je, le regard haineux. Eh bien la prochaine fois, c'est toi qui iras chercher ce machin à l'autre bout de la maison, ok ?!
    - Mais c'est qu'il s'excite, celui-là ! se moqua-t-elle avec mépris.
    - Je te signale que, physiquement, tu es très mal placée pour t'en prendre aux autres ! continuai-je. Quand on ne sait même pas faire la différence entre une coiffure 
    avantageuse et une coiffure désavantageuse, on se la boucle, miss parfaite. »


    Ma remarque lui en boucha un coin. Alors qu'elle cherchait très certainement une réponse appropriée à l'affront que je venais de lui faire, Mathieu, Thomas et Leslie se remirent au travail et se servirent du tisonnier comme d'un bélier. Au début, cela ne servit qu'à faire un bruit terrible dans la maison. Et puis tout à coup, la fissure fut remplacée par un trou béant, dans un nuage de poussière blanche. Mathieu poussa un cri de victoire et nous nous avançâmes tous vers notre découverte, plus curieux que jamais ; là, sous nos yeux ébahis, une petite niche qu'on avait pris soin de refermer avec du plâtre abritait une boîte en fer blanc grande comme mon sac de cours, à peu près. Mathieu, fasciné, tendit la main et s'en empara comme s'il s'agissait d'un bijou précieux.

    « C'est... bizarre... commença-t-il.
    - Quoi ? demandai-je, avide de voir ce que cachait la mallette.
    - Elle est tiède ! »

     

    La Maison derrière la Gare

     

     

    Je la touchai. C'était vrai. Elle était d'une douce chaleur, de celles qui sont agréables au toucher, comme la chaleur humaine.

    « Le mur a dû emmagasiner de la chaleur depuis le temps, fis-je remarquer.
    - Ouais, sûrement, répondit Mathieu en examinant l'ouverture de la boîte. »

    C'était une ouverture assez complexe que je n'aurais pu décrire ; je peux seulement dire que, combinée à la rouille, elle était très difficile à ouvrir. Cependant, à force d'efforts, de lutte contre la petite malle, nous eûmes raison d'elle ; au bout de quelques minutes, nous entendîmes un cliquètement sourd et bref qui nous indiqua que nous avions gagné. Alors, tout doucement, Mathieu retira le couvercle cabossé. Et tandis qu'il découvrait lentement les trésors cachés là, un doux courant d'air venu, certainement, de la fenêtre ouverte, vint nous ébouriffer les cheveux. Nous crûmes à une sorte de miracle... Mais nous fûmes très vite déçus : point de trésor dans la vieille boîte cabossée, juste quelques bagues et colliers antiques, des photos d'enfants et de famille, une petite partition, une belle plume à écrire, un diplôme de pianiste, ainsi que celui du Baccalauréat, une petite fiole vide dont le bouchon avait glissé... Et autres objets d'un autre âge. Rien de bien excitant. Et au fond, une lettre. Encore.

    « Tout ça pour ça ?? s'exclama Mathieu, scandalisé. Mais il était pauvre ou quoi ce gars ?? 
    - Fais voir ? » demandai-je doucement.

    Il me jeta presque la mallette dans les bras et se releva, faisant les cent pas, tandis que les autres bougonnaient. Précautionneux, je m'emparai de la lettre, bien mieux écrite que l'autre, et en entamai la lecture :

    « Étranger,

    Toi qui de tes mains inconnues viens troubler le repos de ces objets si précieusement gardés, toi qui par je ne sais quel maléfice t'es retrouvé dans ma demeure, toi qui sans honte viens de violer mes désirs de garder secrète mon Essence, je te maudis ! Désormais mes derniers souvenirs, ces souvenirs qui sont la fondation de ma vie, ces souvenirs qui m'ont aidé à affronter le pire, tu vas les perdre à tout jamais, à présent qu'ils ne sont plus en sécurité dans leur tombeau. Le jour où tu liras cette lettre sonnera le glas de ma terrible colère. Et si tu veux apaiser mon âme torturée, alors scelle à tout jamais cette boîte et replace-la là où tu l'as trouvée, en n'oubliant surtout aucun souvenir. Sinon... Gare à ma vengeance...

    E. E. »

    Sonné, je reposai la lettre dans la mallette. Je ne savais pas si c'était une farce ou si ce n'en était pas une, mais si on me laissait le choix, je préférais remettre immédiatement cette boîte là où je l'avais trouvée.

    « Eh, les gars... fis-je, perdu. Je... Je crois qu'il vaudrait mieux ranger tout ça. 
    - De quoi, Tom ? demanda Leslie d'un ton sec. On n'entend rien, tu parles dans ta barbe !
    - La boîte ! » repris-je en voulant la désigner.

    Sauf que la boîte, c'était Thomas qui l'avait. Et il l'avait entièrement vidée sur le bureau, examinant avec soin son contenu.

    « QU'EST-CE QUE TU FAIS ??? m'écriai-je en me précipitant sur les souvenirs éparpillés.
    - Oulah, du calme, on partage ! répliqua Thomas en m'écartant d'un geste ferme. Puisqu'il n'y a pas de trésor, on voit ce qu'il y a à prendre. Et arrête de faire cette tête, je ne vole rien, le type est mort depuis des lustres.
    - Oui, c'est vrai, pardon... Mais lis ça, d'abord, lâchai-je en lui tendant le papier griffonné. 
    - Merci bien, la lecture, c'est pas pour moi.
    - Mais... essayai-je de protester.
    - Eh, les mecs, vous avez vu comme je suis belle avec ça ? » m'interrompit Leslie en riant.

    Elle avait enfilé trois colliers en or et une dizaine de bagues à ses doigts. Quant à Estelle, elle venait de trouver, sous les petits objets, une robe antique qui lui allait bien trop grand, mais qu'elle avait quand même enfilée par-dessus ses vêtements. Et Mathieu, lui, s'était passionné pour un petit poignard tombé de la robe, au pommeau serti d'or et de diamants. 

    « Ça, je le garde ! bada-t-il, amoureux de son nouveau jouet. 
    - Qui sait lire une partition ? demanda Thomas en cherchant toujours son bonheur et en tendant, au hasard, le petit livret à qui voulait le prendre.
    - Fais voir... lâchai-je, me sentant mal. »

    Je l'examinai rapidement, perdu dans mes pensées. C'était une partition de la septième symphonie de Beethoven, arrangée (sûrement par « mon » pianiste) pour piano seul. Il devait beaucoup y tenir pour l'avoir placée dans sa mallette... Sa mallette... 

    « Ah ! Ce pendentif en or est super beau ! s'exclama soudain Thomas, me sortant de mes songes. Par-contre, la photo de fille dedans a beau être belle, elle ne m'intéresse pas. Ça servira pour quand j'aurai une copine. »

    Aussitôt, il retira l'image de la jolie jeune fille souriante du pendentif et la jeta nonchalamment dans la mallette. Puis il mit le pendentif autour de son cou, fier de son nouvel atour. 

    « Mais c'est pas vrai... » pensai-je.

    « Bon, oh, écoutez-moi, stop !! ordonnai-je d'un ton autoritaire. Stop !
    - Oui, s'agaça Mathieu, qu'est-ce que tu nous veux ? T'as pas eu ta part du gâteau, tu ne veux pas de cette partition pour intellectuels ? Tu préfères la plume ? Mais elle est là, regarde, personne n'en veut !
    - C'est pas ça ! lâchai-je, oppressé. Il y avait une lettre dans la boîte, écoutez ce qu'elle dit ! »

    Et je la leur lus. Lorsque j'eus fini, Estelle frissonna et un court silence s'installa. Puis un gloussement rompit l'atmosphère pesante et je me tournai vers Leslie, auteure de la moquerie.

    « Quoi, ça ne te fait rien du tout ? m'indignai-je.
    - Tom, ça fait dix minutes qu'on joue avec ces objets, si un fantôme s'était échappé de cette boîte, on l'aurait vite su !
    - C'est peut-être une malédiction qui se déclenchera si on ne range pas tout de suite ! insistai-je. 
    - De toute façon, quelqu'un était déjà passé avant nous, lâcha Leslie.
    - Comment ça ? m'enquis-je, surpris.
    - Tu n'as pas vu la fiole vide dans la boîte ? Je suppose qu'elle était pleine, au début. Donc quelqu'un l'a vidée. - - Peut-être qu'il y avait de la poudre d'or et que le voleur n'a pris que ça parce qu'à côté, le reste n'avait aucune valeur, voilà tout !
    - Mais je préfèrerais quand-même qu'on oublie tout ça...
    - Oh, ça va, Tom ! m'interrompit Mathieu. De toute façon, il est hors de question que je me sépare de ce poignard pour tes beaux yeux, je n'en avais jamais vu de si beaux auparavant.
    - Et cette robe est super belle, elle sera géniale pour les fêtes quand je serai plus grande ! poursuivit Estelle.
    - Mais enfin, c'est ridicule, voyons, on vivait très bien sans, avant !
    - Écoute, Tom, personne ne t'a forcé à venir, alors si tu veux partir, pas de problème, on ne te retient pas. Décidément, tu es vraiment insupportable, on ne s'était pas trompés sur ton compte !
    - Et puis Papa-Maman vont être contents de revoir leur cher fils adoré...
    - Et je te signale que c'est toi qui as eu l'idée de monter, alors la ferme, maintenant !
    - Oui, mais c'est Estelle qui a voulu ouvrir le tiroir et...
    - On l'a tous aidée sauf Leslie.
    - Et c'est à cause de Leslie, si elle n'avait pas vu ce rat, on n'aurait jamais trouvé la cachette !
    - Alors je te remercie, Leslie, car...
    - Pas moi, à cause de vous tous, on va...
    - TAISEZ-VOUS !! » hurla Thomas, l'oreille tendue.

    Son visage trahissait une petite inquiétude ; son cri autoritaire avait fait taire tout le monde d'un coup.

    « Mais ça va pas ? s'énerva Mathieu, outré. Qu'est-ce qui te prend ?
    - Chut ! Écoutez... »

    Le silence se fit parmi nous ; les respirations accélérées par la colère se calmèrent et nous tendîmes à notre tour l'oreille. Effectivement, on entendait quelque chose, quelque chose de... lointain... et qui n'aurait pas dû résonner dans cet endroit. C'était... doux... mélodieux...

    « Du piano ?? » murmura Estelle, perdant de sa couleur.

    J'eus soudain un très mauvais pressentiment ; je connaissais cette musique. Oui, c'est ça, elle me disait quelque chose... Elle m'était bien trop familière... 

    Et puis soudain ce fut la lumière.

    « La septième symphonie... de Beethoven ! articulai-je difficilement, la gorge enrouée.
    - La quoi ? » me chuchota Leslie, blanche comme un linge.

    Perdu, je lui tendis la partition que j'avais tenue quelques minutes plus tôt. Et en passant, je m'emparai de la terrible lettre.

    « Le jour où tu liras cette lettre sonnera le glas de ma terrible colère... lus-je avec un effroi qui me noua les trippes. Mathieu... (l'intéressé me dévisagea en silence) Cette symphonie... C'est elle, le glas de sa colère !
    - De quoi ? bégaya-t-il.
    - Partons d'ici, vite ! »

    Je me précipitai vers la fenêtre pour évaluer la distance entre nous et le sol. Pas question de nous échapper en passant par le rez-de-chaussée ! 
    Mais un détail retint mon attention, tandis que la mélodie prenait de la puissance. 

    « Mathieu ?
    - Quoi encore ?
    - Il ne faisait pas beau, quand on est arrivés, tout à l'heure ?
    - Euh... Si, pourquoi ? »

    Je ne pris pas la peine de répondre, il verrait de lui-même : dehors, de gros nuages noirs et bas venaient s'affaler juste au-dessus de la maison, métaphore très appropriée pour nous rappeler l'épée de Damoclès que représentait la musique qui sonnait comme une malédiction.

    « Comment on ouvre cette fenêtre ?! grognai-je tout bas en me battant contre le carreau. Elle est coincée !
    - Tom... lâcha Estelle, tremblante.
    - Ce n'est pas vraiment le moment pour me parler, là, Estelle !
    - C'est pas ça ! La fenêtre... Elle était ouverte, tout à l'heure ! »

    Ouh là là, ça y était, mes idées commençaient à se figer, à me glacer de l'intérieur, à me tétaniser ! Ça y était, on avait réveillé une malédiction, et si seulement, si seulement ils m'avaient écouté, on n'en aurait pas été là !

    « Ok les gars, changement de programme, finis-je par articuler : on remet tout dans la boîte, on ferme tout et on remet tout là où c'était, puis on s'en va tranquillement comme si de rien n'était.
    - Ah non ! s'exclama tout bas Mathieu. J'ai dit pas question, tu as vu la qualité de ce poignard ??
    - Et toi, Mathieu, répliquai-je, tu as vu la qualité de ce piano, en bas ? 
    - Pourquoi me parles-tu de ça, je m'en fiche complètement !
    - Et à ton avis, qui donc serait capable d'en jouer sans faire aucune fausse note, vu l'état actuel dans lequel il se trouve, hein ?? »

    Visiblement, Mathieu reçut cet argument comme un coup de poing dans la figure. 

    « Tu... commença-t-il. Tu penses que c'est un... Un fantôme ?
    - Quoi d'autre ? »

    Mathieu déglutit avec difficulté. Visiblement face à un dilemme du tonnerre, il caressa la lame du poignard d'un air affectueux, puis son regard oscilla entre la porte et l'arme, l'arme et la porte. 

    « Il n'y a vraiment aucune autre solution ? demanda-t-il, blême. 
    - Si tu en vois une, je serais curieux de la connaître, répliquai-je d'un ton acide. Et ce serait bien si on se dépêchait, le... fantôme... ne va pas jouer éternellement du piano !
    - Attends, lança Thomas, c'est peut-être une blague ! Jamais les fantômes n'ont existé, c'est complètement idiot ! Si ça ce trouve, quelqu'un est en bas et diffuse de la musique pour nous chasser de là !
    - Ouais, pour s'approprier notre squat, poursuivit Leslie. Ça se tient ! C'est sûrement le gars qui a vidé la fiole et il veut garder les trésors pour lui.
    - Vous ne voulez quand-même pas qu'on aille voir... quand-même... ? » bégayai-je tandis que mon coeur se glaçait ; la musique atteignait sans aucun doute le pic de son crescendo !

    Personne ne me répondit. Une note plus forte que les autres, sèche, mauvaise, nous fit tous sursauter.

     

    La Maison derrière la Gare

     

     « Bon ! lâcha soudain Mathieu en serrant son poignard droit devant lui. Moi, je ne suis pas une mauviette. Je vais aller le voir, votre soi-disant fantôme, et on verra bien qui avait raison !

    - Tu... Tu vas y aller tout seul ? chuchota Estelle en lui attrapant le bras.
    - Non, je l'accompagne, résolut Thomas, qui tremblait comme une feuille. Nous les mecs, on... On est faits pour ça, pas vrai, Tom ?
    - Euh... O-oui, enfin c'est une question de point de vue... 
    - Il ne viendra jamais, cracha Estelle, dédaigneuse. C'est un peureux de première !
    - N'importe quoi ! J'y vais !
    - Ah ! ricana Leslie. Je serais curieuse de voir ça !
    - Très bien, dis-je. Alors regarde bien. »

    Oubliant mon coeur qui battait à tout rompre contre mes côtes, je m'efforçai de rejoindre les deux garçons sur le palier. Nos chaussures faisaient craquer le parquet, mais la musique de plus en plus forte étouffait les bruits. Jetant un dernier regard aux deux filles, restées plantées au milieu du bureau, je suivis Thomas et Mathieu dans l'escalier en me faisant le plus petit possible. Je dois avouer que nous n'avions pas l'air des héros dans les Chair de Poule que j'affectionnais tant : nous tremblions tous les trois et nous n'avions qu'une envie, c'était faire demi-tour ! Nous mîmes au moins dix minutes avant d'atteindre le hall du rez-de-chaussée, tant nous hésitâmes, tant nous nous arrêtâmes, figés par une peur panique incontrôlable. Finalement, nous pûmes aller nous cacher juste derrière le mur qui donnait sur le salon... et le piano. Je n'en pouvais plus tant j'avais peur ; je transpirais à grosses gouttes, ma respiration devait presque faire trembler les murs, je ne tenais presque plus sur mes jambes et j'étais à deux doigts de partir à toute vitesse en direction de la gare, tout en hurlant d'effroi. Je ne sais toujours pas ce qui me retins planté là, avec les deux autres, et encore moins ce qui me donna le courage incalculable de risquer un regard en direction du piano. Je n'aurais jamais du faire ça ! Car ce que je vis me glaça le sang au plus profond de moi-même : là-bas, dans l'ombre, entre les toiles d'araignées que Leslie et Estelle avaient épargnées, au coeur d'une myriade de sons en mode forte, le piano marron fondait littéralement d'une substance gluante qui s'enfonçait dans le sol en bouillonnant. Le spectacle était visqueux et absolument révulsant. Et ce qui me donna l'impression que le monde s'arrêtait, ce fut le nouvel instrument qui apparaissait sous cette couche sale et gluante qui gouttait de partout : le piano était en train de se régénérer, de... muer, en quelque sorte ! Et plus il se désagrégeait, plus, en dessous, le nouveau piano était beau, luisant, comme neuf. 
    Je jetai un oeil blanc de terreur sur le clavier : comme je le craignais, les touches s'agitaient toutes seules et les pédales se baissaient comme si une force invisible les forçait à le faire. 
    Soudain, une main s'agrippa à mon épaule et la serra avec une force si terrible que je voulus crier, mais une autre main s'était déjà plaquée contre ma bouche, m'empêchant carrément de respirer. Je me mis à paniquer, à me débattre de toutes mes forces, mais on me poussa sans bruit contre le mur et je me retrouvai face à face avec... 

    « Chut, imbécile !! me siffla Mathieu, plus blanc qu'un cadavre. On remonte ! Vite ! »

    Au bord de l'évanouissement, je le suivis sans regarder derrière moi de peur de voir le regard morbide du pianiste... 
    Nous grimpâmes l'escalier quatre à quatre, tous trois ayant peine à retenir nos larmes, des larmes d'effroi, et lorsque nous parvînmes enfin dans le bureau, nous nous précipitâmes vers la fenêtre pour essayer de l'ouvrir de toutes nos forces. Mais rien n'y fit, et comme pour répondre à nos vains efforts, la terrible musique monta encore d'un ton, ce que je pensais impossible. 

    « Quoi, quoi ?? chuchotèrent les filles en s'agrippant à nos bras, pleurant à moitié. Qu'est-ce qu'il y a, vous avez découvert un mort, c'est ça ??
    - Aidez-nous, espèces d'idiotes ! s'exclama Mathieu, délaissant le chuchotement tant la terreur prenait le dessus. Il y a un fantôme là-dedans, il faut sortir !!
    - Non ! criai-je à mon tour en arrêtant de tirer. Vous savez très bien ce qu'il faut faire ! La musique est un avertissement, il faut tout rendre, c'est le seul moyen ! C'est ça qu'il cherche à nous dire depuis tout à l'heure ! Pour l'instant, il est indulgent, mais si on continue, je sens que ça va très mal tourner !
    - On peut quand-même aller voir à l'étage en-dessous les autres fenêtre ! suggéra Leslie avec espoir en regardant ses bijoux. 
    - Mais non !! Si cette fenêtre est fermée, les autres aussi, réfléchis un peu !
    - Il a raison, dit soudain Thomas. J'ai vu la porte d'entrée, tout à l'heure, quand on épiait le pianiste. On l'avait laissée ouverte, vous vous souvenez ? Eh bien, là, elle était fermée. Il a tout fermé, on ne peut plus sortir d'ici !
    - Donc, il faut tout ranger, conclus-je. Et vite ! Je doute que la mélodie puisse être plus forte que ça ! »

    Ce n'était plus le moment de réfléchir. Mathieu avait eu si peur qu'il fut le premier à se précipiter sur la mallette pour y jeter le poignard maudit. Aussitôt après, Thomas, Leslie, Estelle et moi, nous nous jetâmes sur les objets étalés sur le bureau et nous aidâmes à les ranger, le plus proprement possible, dans la boîte. Estelle retira malgré elle sa jolie robe, Thomas replaça la photographie de la jeune femme dans le pendentif, Leslie acheva d'enlever ses bagues, puis je glissai la plume, la fiole vide et la partition sur le dessus, bien comme il fallait. J'essayai de me souvenir de la place de chaque souvenir, et je les plaçai au mieux selon ma mémoire. Puis, aussi vite que me le permettaient mes mains tremblantes, je refermai la boîte dans un claquement sec. Thomas me fit de la place pour que je puisse accéder au trou béant dans le mur et j'y déposai la mallette, le coeur battant. 

    « Comment reboucher ?? s'écria Leslie pour couvrir la musique qui nous enveloppait comme un monstre des profondeurs sorti de son tombeau.
    - Le tiroir sans poignée, ouvre-le ! Peut-être qu'on trouvera quelque chose ! »

    Je ne sais absolument pas pourquoi cette idée me vint à l'esprit, ni comment tous décidèrent de m'écouter. La rupture de la poignée avait fragilisé le tiroir, aussi s'ouvrit-il beaucoup plus facilement. À l'intérieur de la cache, deux briques blanches dormaient, pleines de poussière. Nous les attrapâmes et nous les plaçâmes devant le trou ; elles rentraient parfaitement et s'emboîtaient comme si elles avaient été faites pour cela. 

    Dès que nous eûmes ajusté la deuxième brique, la musique stoppa net. Un silence de mort régna tout à coup sur la maison et, pendant près d'une minute, nous n'osâmes rien dire. 

    « Vous croyez que c'est fini ? murmura Leslie, agrippée au bras de Mathieu. 
    - Il n'y a pas trente-six manières de le savoir, lâcha Thomas. »

    Sur ce, il s'engouffra de nouveau dans le couloir et je décidai de le suivre ; tout le monde nous suivit. Arrivés en bas, nous jetâmes un petit coup d'oeil dans le salon ; la vieux piano avait retrouvé son aspect d'antiquité et paraissait aussi faux qu'avant. La poussière luisait sur le bois anciennement verni. 

    « On a gagné ? » risqua Estelle, tremblante.

    Comme personne ne répondait, elle fit un petit pas dans la pièce. Rien ne bougea.

    « ON A GAGNÉ !! s'écria-t-elle, folle de joie. Il est parti, il est parti !! »

    Un sensation d'immense soulagement m'envahit, et je m'assis sur la chaise la plus proche, vidé de toutes mes forces. Fermant les yeux en m'efforçant de ne penser à rien, je m'attachai à calmer mon coeur, qui n'avait cessé de battre à tout rompre.

    « La vache, j'ai jamais eu aussi peur de ma vie ! lâcha Mathieu en se détendant à son tour. J'ai vraiment cru qu'on allait y passer ! 
    - En fait, il a plutôt été indulgent... dis-je d'une voix faible. Il ne nous a pas attaqués, il s'est contenté de nous faire peur...
    - Ouais, ben il a réussi son coup... répliqua Leslie, encore toute blanche. Maintenant, je vais avoir un mal de chien à m'endormir...
    - Je suggère qu'on se tire d'ici tout de suite et qu'on n'y revienne plus jamais ! s'exclama Estelle en se dirigeant vers la porte. Plus JAMAIS ça, plus jamais !
    - Je suis d'accord, lança Thomas. Adieu la maison ! On change d'air !
    - Ciao-ciao ! cria Leslie en éclatant de rire. Le dernier arrivé dans le jardin est une poule mouillée !!»

    Aussitôt, nous nous élançâmes vers la porte en pensant à tout ce que nous pourrions faire une fois sortis de cet endroit maudit. Je me mis à courir avec une allégresse démesurée, bien décidé, cette fois, à ne pas être le dernier. Et résultat, je fus le premier à atteindre la porte... que je me pris de plein fouet. Sous le choc, je fus projeté en arrière et une impression de déjà vu me titilla l'esprit avant même que j'atterrisse. Le contact du sol fut encore plus douloureux que mon carambolage pitoyable avec la porte, et j'entendis les rires de Leslie et Estelle qui me regardaient d'un air de petites pestes que je haïssais tant. Par-contre, derrière elles, Thomas et Mathieu ne rigolaient pas du tout. Oh, non pas qu'ils fussent affectés par ma chute ! Tous deux regardaient la poignée de porte avec une expression d'effroi sur le visage.

    « La porte ! souffla Mathieu, qui reperdit des couleurs. Elle... Elle est fermée !
    - Quoi ?? s'écria Leslie en se précipitant sur le cadre pour vérifier les dires de son chef. Non, c'est pas possible !! - On a tout remis en place, comme le disait la lettre !! Oh !! Fantôme !! On a rangé tes affaires, pourquoi tu ne nous laisses pas sortir ?! C'est vrai, quoi, on a tout... »

    Soudain, elle s'interrompit. Je m'étais redressé et je la vis tourner ses yeux vers son épaule, avec une lenteur à figer le temps. Comme dans un film au ralenti, elle passa sa main sur sa veste et la resortit pleine d'une espèce de vieille substance gluante, semblable à celle du piano maudit. Alors nous levâmes tous les yeux vers le plafond, redoutant ce que nous allions voir, et ce qui nous apparut fut pire encore que le piano : lentement, tout le plafond commençait à fondre, un peu comme la bave coulant de la gueule d'une énorme et hideuse créature. Bientôt, plusieurs autres gouttes vinrent s'écraser sur le sol dans un bruit de succion, et le temps s'arrêta. Puis tout à coup, nous nous mîmes à pousser un cri déchirant d'une même voix, un cri de terreur, et nous courûmes dans l'escalier pour fuir l'immondice qui s'installait dans le hall. Je courais à perdre haleine, une nouvelle fois, animé d'une espèce d'instinct de survie qui me donnait des ailes. Paniqué, je tentais tant bien que mal de comprendre ce qui faisait que le fantôme était encore là. Pourquoi n'était-il pas rentré se coucher, après que nous eûmes respecté ses désirs ?? 

    « J'y suis !! m'exclamai-je soudain, couvrant les cris des autres. TOUS AU BUREAU, IL FAUT RANGER TOUS LES LIVRES !! »

    Comme un seul homme, nous effectuâmes un virage en dérapage semi-contrôlé et nous nous précipitâmes vers la pièce où tout avait commencé. En me retournant un peu, je me rendis compte que la substance commençait à couler le long des murs qui montaient au premier étage, tandis que le hall redevenait aussi vieux et sec qu'avant.

    « Il nous suit ! » pensai-je avec effroi. « C'est sa présence qui fait goutter la maison ! Son souvenir ranime les pièces comme elles étaient avant, quand elles étaient belles et jeunes ! »

    Jamais nous ne pourrions le semer, jamais nous n'aurions le temps de tout ranger, il ne nous en laisserait pas le temps ! Comment faire pour le tenir éloigné pendant un moment ?? 

    « IL NOUS SUIT, AU SECOURS !!!!! hurla Estelle, derrière laquelle je courais. IL FAUT FAIRE QUELQUE CHOSE, ON VA TOUS MOURIR !!!!!!!!
    - SI ON SE SÉPARE, IL NE NOUS SUIVRA PEUT-ÊTRE PAS !! s'écria Mathieu en entrant avec fracas dans le bureau.
    - UN APAT, IL FAUT UN APAT ! s'époumonna Leslie, qui me suivait. LE DERNIER ARRIVÉ SE SACRIFIE ! »

    Aussitôt, elle me poussa de toutes ses forces et me dépassa en trombe, tandis que je trébuchai et que je m'étalai de tout mon long, pour la troisième fois de la journée. 

    « EH, NON, ATTENDEZ !! hurlai-je avec désespoir, IL VA ME TUER, NE ME LAISSEZ PAS TOUT SEUL !! ATTENDEZ !!! »

    Mais trop tard. Le temps que je me relève, ils avaient fermé la porte à clé. Fou de terreur, je me précipitai de toutes mes forces sur le panneau, frappai, hurlai, mais derrière, ils devaient s'appuyer sur le bois, car rien ne céda. Ma tête me tourna, je me sentis partir, mais tout à coup une grosse goutte gluante s'écrasa sur mon front en m'aveuglant à moitié ; le fantôme était là. Ce choc ni froid ni chaud, mais vraiment dégoutant, eu le pouvoir de me réveiller tout à fait. Le plus vite possible, je me frottai les yeux pour évacuer la grosse goutte visqueuse. Lorsque j'ouvris les yeux, je crus que mon coeur allait s'arrêter : devant moi, à à peine trois mètres de là, une forme floue faite de poussière émettait un râle terrifiant, me toisant de toute sa hauteur et s'avançant doucement dans ma direction. Je crois que ma respiration cessa de fonctionner pendant une éternité avant que je puisse de nouveau avaler une grande goulée d'air qui me permit d'avoir les idées plus claires. Tout autour de moi, le plafond, les murs et le sol bouillonnaient, coulaient, s'effondraient sur eux-mêmes, et je voyais derrière apparaître des murs propres, neufs, à la mode d'avant. Sous mes pieds, un parquet brillant et lustré commençait à prendre forme, et le revenant continuait de glisser dans ma direction, prenant une couleur de plus en plus noire et orageuse, comme une sorte de cumulonimbus ambulant avec des yeux rouges qui me fixaient au plus profond de mon âme.

     

     

     

    La Maison derrière la Gare

     

    Je n'avais qu'une solution : l'éloigner de l'escalier dont il me barrait le passage et lui filer entre les doigts pour tenter de trouver une issue. 

    « Je vous en prie, Monsieur ! suppliai-je en reculant vers un coin de mur devenu resplendissant. Edouard, c'est bien comme ça que vous vous appelez, n'est-ce pas ? S-s'il vous plaît... Laissez-moi tranquille ! »

    Pour toute réponse, un râle terrifiant s'éleva de ce qui semblait être sa bouche et je sentis le souffle de la créature, glacé, m'ébouriffer les cheveux. Et, comble de l'horreur, je me mis moi aussi à couler comme les murs et les plafonds, telle une poupée de cire au contact du feu ! Je poussai un hurlement à déchirer les tympans et tentai de retenir les lambeaux visqueux de ma chair qui gouttaient sur le sol. Peine perdue. Je vis ce qui restait de mes cheveux, de mes joues, de mes yeux, bouillir et disparaître sur le sol ; pourtant, je ne souffrais pas et lorsque j'effleurai mon crâne, je sentis les cheveux, la peau douce, tiède, lisse... Avais-je rajeuni ? Je ne le savais pas, mais je désirais à tout prix quitter cet endroit. Liquéfié par la terreur, je fis un bond de côté pour éviter les bras accrocheurs du fantôme en colère, et aussitôt je m'élançai vers l'escalier que je dévalai à toute vitesse. Mes jambes menaçaient de me lâcher mais je leur ordonnais avec force de tenir, car elles étaient mon seul salut. Dès que je voyais une fenêtre, je me jetais dessus et tentais de la casser avec n'importe quel objet qui me passait par la main. Mais rien n'y faisait, alors je reprenais ma course vaine, cherchant une faille, un moyen de m'enfuir, de sauver ma peau, tout simplement !! 
    En passant devant un miroir, je fus stupéfait par mon visage : j'étais à la fois moi et à la fois quelqu'un d'autre. J'avais maigri, mes boutons avaient disparu, mes cheveux d'un châtain aux couleurs ensoleillées brillaient comme jamais, mes yeux d'ordinaire presque noirs avaient pris une jolie couleur noisette. Incroyable ! Ce fantôme avait-il le pouvoir d'embellir tout ce sur quoi il soufflait ?? Malédiction, cruauté ! Il me faisait miroiter ce que je n'étais pas, juste pour que je me haïsse un peu plus ! 
    Mais je n'eus pas le temps de m'attarder sur les détails de mon changement, car déjà les murs autour de moi commençaient à fondre, comme pour m'annoncer que mon inépuisable poursuivant entrait dans la pièce. J'étais terrorisé, il n'y a pas d'autre mot. Et je perdais petit-à-petit espoir au-fur-et-à-mesure que je perdais mon souffle. Comment échapper aux griffes d'une créature infatigable alors que moi-même, j'étais condamné à fuir éternellement dans un huit-clos oppressant à en mourir ! Je n'avais pas le choix : je me remis à courir en suppliant de tout mon être que l'esprit me laissât en paix ; ce qu'il ne fit pas. J'eus beau courir à toute vitesse, hurler, pleurer, murmurer, me jeter contre les fenêtres et les portes, insulter la bande de Mathieu qui m'avait sacrifié, rien n'y fit. 
    Jusqu'au moment où je me retrouvai au salon, seul, à bout de force, le souffle court. Tout à coup, il n'y avait nulle trace de mon poursuivant venu de l'au-delà. Avait-il renoncé à vouloir m'attraper pour passer sa colère sur moi ? Préférait-il finalement s'attaquer aux lâches réfugiés là-haut ? Mieux valait pour moi que je me trouve une cachette avant que l'esprit revînt vers moi. 
    Ainsi me cherchai-je un petit havre dans l'ombre d'un gros meuble quand, soudain, j'entendis une note sortir du piano. Non ! Pas ce maudit piano !! Pas encore !! 
    Rapide comme l'éclair cette fois-ci, je m'élançai vers le hall avec la détermination que m'offrait mon instinct de survie. Mais je n'eus pas le temps de faire plus de trois pas que je heurtai de plein fouet une sorte de mur tiède et à la fois glacial par sa dureté, un mur brumeux de poussière, qui émettait un étrange râle... Le fantôme !! Je poussai le plus formidable hurlement de ma petite vie et tombai le derrière sur le sol, incapable de me rattraper. L'esprit vengeur était là, devant moi, ses yeux de lave me fixant avec l'insistance de la colère meurtrière. Et tandis que je le regardais, ébahi, sa silhouette se définit un peu mieux, laissant apparaître un être à la peau grise et déchirée, dévoilant des os rongés par les mites et les rats, et toujours ces yeux pleins de veines saignantes dans leurs orbites creux. Des vêtements en lambeaux recouvraient le peu qui restait de son corps, et ses dents qu'aucune lèvre, qu'aucune joue ne pouvaient cacher, me lançaient une sorte de sourire que seul un mort pourrait faire. Encore une fois, je ne pus absolument rien faire : le temps que je me relève, il s'était jeté sur moi. Je vis avec horreur le mort vivant à moitié immatériel se rapprocher de mon visage, j'entendis ses os craquer de la pire manière qui existât, je sentis son souffle fétide qui faisait fondre ma peau, et puis nous entrâmes dans une formidable collision qui m'arracha sans-doute mon dernier cri. Alors je sentis au plus profond de moi-même un courant insupportablement froid et poussiéreux, et un deuxième coeur éclipsa le mien tandis que je me tortillais de douleur sur le parquet tout neuf ! C'était sûr, à présent, j'étais mort : le fantôme était entré en moi et je compris enfin son but, celui de revivre dans un autre corps... Le mien. 

    Et puis soudain je ne vis plus rien. Les murs, le plafond, le piano, la grande table vernie, tout disparut à mon regard et ce fut le noir. Alors, dans la brume, je commençai à palper l'Essence d'Edouard, celle qu'il avait tant aimée et que nous avions malencontreusement libérée. Tout à coup, un petit garçon aux cheveux bruns, beau, avec de fines mains blanches et délicates, entra dans la pièce en courant vers une autre personne vêtue d'une grande robe à tablier qui devait être sa mère. Était-ce un souvenir ? Certainement, et je m'y perdis avec une sorte de soulagement indescriptible, comme je me serais abandonné à la mort. 

    « Mère, Mère ! s'exclamait le petit garçon, tout joyeux. Savez-vous que Père m'a inscrit à des cours de piano ?
    - Bien-sûr, mon enfant, rit la dame, Nous en avons discuté ensemble. Es-tu fier ?
    - Oh, oui ! Je serai pianiste comme Grand-Père, n'est-ce pas ? Et je ferai plein de concerts, et je serai connu !
    - Doucement, doucement, mon Edouard ! s'esclaffa la mère. D'abord, tu dois bien travailler avec ton précepteur, et puis je veux que tu sois un élève modèle au catéchisme car si tu n'es pas un bon chrétien, tu ne réussiras en rien. 
    - Oui, Mère !
    - Et tâche de ne pas nous faire regretter de dépenser dans tes cours de piano ! »

    L'enfant allait répliquer quand la scène changea. Cette fois-ci, je n'étais plus dans une maison ; je devais être dans la grande salle de spectacle d'un théâtre prestigieux. Au centre, sur la scène, un adolescent d'à peine mon âge jouait du piano, les yeux fermés, une expression d'intense émotion sur le visage. Je ne sais pourquoi j'accueillis cette beauté avec plaisir, ni pourquoi ma poitrine se gonfla d'une envie étrange d'éclater en sanglots. Et quand le garçon cessa de jouer, le public entier se leva dans un tonnerre d'applaudissements qui firent presque trembler les murs. L'enfant reçut un prix prestigieux et je le vis faire un signe affectueux en direction de ses parents, assis au premier rang. Puis, de nouveau, la scène changea. Nous étions dans un grand salon luxueux, sans doute au coeur d'un manoir de la petite noblesse (si elle existait encore à cette période-là de l'Histoire), et le jeune homme devenu presque adulte était debout, dans l'encadrement de la porte, comme figé d'admiration face à... Une jeune fille. Ce qu'elle était jolie, cette jeune fille, avec ses cheveux blonds qui lui tombaient jusqu'à la taille, son visage fin et angélique qui ne cessait de sourire de manière énigmatique, ses yeux d'un bleu profond comme le ciel d'été, et puis ses douces mains qui effleuraient avec bonheur les touches d'un piano noir ! Elle était si absorbée dans la musique qu'elle jouait qu'elle n'avait pas remarqué son admirateur. Et, de sa voix mélodieuse, elle accompagnait la septième symphonie de Beethoven qu'elle interprêtait parfaitement, si bien, si bien qu'on aurait dit un archange en plein spectacle. Ou peut-être une muse. Oui, c'était ça, une muse ! À côté, le beau jeune homme si bien habillé paraissait esclave. 
    Lorsque la musique s'arrêta après un accord sublime, Edouard marqua un long temps de pause durant lequel quelques larmes d'émotion tombèrent, puis il s'avança doucement, le plus gracieusement possible. Arrivé à hauteur de l'inconnue, il s'inclina bien bas et déclara :

    « Mademoiselle, vos mains sont plus fines, plus ciselées que celles des trois Grâces réunies ! Vous... Vous jouiez si bien... »

    La jeune fille, qui venait de le remarquer, émit un petit rire et se leva pour s'incliner à son tour.

    « Auriez-vous la bonté de me dire à qui j'ai l'honneur, monsieur ? demanda-t-elle en souriant.
    - Oh, je... Je suis confus ! bégaya le jeune homme. Pardonnez-moi pour mon erreur, je ne me suis pas présenté : je suis sir Edouard d'Erythan, élève ici depuis peu.
    - Ah, c'est donc vous, cet Edouard d'Erythan dont mon père me parle si souvent ! Il dit tellement de bien à votre propos, comment puis-je ne pas vous avoir reconnu !
    - Oh, vous savez... Mais... Si je puis me permettre, gente demoiselle, par quel nom dois-je vous appeler ? 
    - Je me nomme Éloïse. Je suis la fille du directeur ! »

    J'aurais bien voulu voir la suite de cette conversation. Mais la scène devint floue et j'entr'aperçus une foule de souvenirs tremblotants, caillés par le temps, un peu comme ces cassettes abandonnées dans les maisons d'aujourd'hui. Je vis Éloïse plusieurs fois, toujours avec Edouard, et parfois je les vis l'un dans les bras de l'autre, enlacés ou s'embrassant tendrement. Une fois, Éloïse m'apparut avec une robe bleu ciel, robe que j'avais déjà vue quelque part en version plus poussiéreuse... J'eus de nouveau envie de pleurer. Mais une série d'autres souvenirs remplacèrent les plus tristes et je me retrouvai plusieurs fois dans des salles de concert, devant un magnifique spectacle donné par Edouard ; au premier rang, presque à chaque fois, je pouvais distinguer la mère, le père, et puis Éloïse, bercée par la mélodie, quand elle n'était pas elle aussi sur scène. 

    Mais soudain quelque chose s'enraya dans les souvenirs. Une ombre terrifiante, nébuleuse, mauvaise, commença à s'aplatir sur les souvenirs rayonnants qui avaient bercé la jeunesse d'Edouard, et je sus que quelque chose avait mal tourné. Une pièce apparut, le même salon qu'au début, et je me rendis compte qu'il ne s'agissait pas du salon de la vieille maison dans laquelle je me trouvais, comme je l'avais d'abord cru. C'en était un autre et je dois dire qu'il y ressemblait beaucoup. Sauf qu'il y avait beaucoup plus de monde et surtout, beaucoup plus de bruit.

    « Tu es complètement irresponsable, Edouard !! s'écria sa mère, qui paraissait pire que furieuse. Dire que ton père et moi nous nous sommes battus pour te voir réussir, et tu vois dans quelle situation tu nous mets !! 
    - Mère, je vous en prie, ne vous énervez pas à ce point ! répondit Edouard avec un peu plus de calme.
    - Pas question que je me calme !! Tu as mis toute notre famille dans la honte et plongé celle d'Eloïse plus bas que terre !
    - Mère, écoutez-moi... J'aime Éloïse depuis des années mais jamais vous n'avez voulu vous l'avouer ! Vous m'avez toujours dit d'abandonner cet amour ridicule, qu'elle était promise à quelqu'un d'autre depuis bien longtemps, que je devais me consacrer pleinement à mes études, mais moi, moi, je n'aime qu'elle !! 
    - Toi, il n'y a que cela qui compte dans ta vie, Edouard ! Tu n'es qu'un égoïste, un irresponsable, un éternel enfant, voilà ce que tu es !! 
    - Chassé... intervint le père, complètement effondré sur le fauteuil voisin. Chassé de la plus prestigieuse école qui soit pour une histoire de fille... Ta vie est fichue, maintenant, est-ce que tu le sais ?! Avec la haine de ton ancien directeur, tu vas être censuré, critiqué, chassé de toutes les salles !
    - Mais qu'est-ce qui t'a pris de lui donner un enfant, hein, dis-le-moi ?!! Qu'est-ce qui t'est passé par la tête ?!
    - Mais je ne voulais pas... Je... »

    Encore une fois, des nuages enveloppèrent la scène et je fus projeté dans une chambre, devant un lit sur lequel reposait un vieil homme en costume au visage grave. On aurait dit qu'il dormait en faisant des cauchemars. Edouard et sa mère étaient là, au milieu de la famille, et la mère pleurait à chaudes larmes. Mon pianiste, lui, ne parvenait pas à imiter les autres ; son regard infiniment triste trahissait son désespoir, mais il restait impassible, à peine voûté par le chagrin qui l'écrasait. Soudain, sa mère se tourna vers lui avec des éclairs dans les yeux :

    « Comment oses-tu rester encore ici après tout ce que tu as fait ?! murmura-t-elle, glaciale. Si ton père nous a quittés, ce n'est qu'à cause de toi ! Tu es entièrement responsable de sa mort, fils indigne, alors comment peux-tu t'abaisser à rester à son chevet après tout le chagrin que tu lui as causé ?! »

    Sans répondre, Edouard fixa sa mère dans les yeux, lui déversant toute sa tristesse, tout son chagrin. Puis il lança un dernier coup d'oeil à son père et, seul au monde, il s'éloigna sous le regard inquisiteur des autres membres de sa famille. 
    D'après les souvenirs que je vis après, on l'empêcha de jouer à l'enterrement de son père, et il erra, seul dans les rues, ne revenant chez lui que pour récupérer quelques maigres affaires. Puis, au-fur-et-à-mesure des scènes, je le vis courir dans le parc luxueux d'un manoir, s'arrêter sous une haute fenêtre et lancer un petit caillou sur le carreau, à l'affût. Éloïse, le ventre déjà assez rond, en sortit, amaigrie et le visage cireux, triste. Lorsqu'elle le vit, elle s'éclaira et il tendit les bras comme pour l'accueillir dans sa chute. Mais la jeune femme préféra confectionner une corde avec ses draps et, tout doucement, elle descendit le rejoindre. Rapidement, ils s'embrassèrent et ils partirent ensemble, le plus vite possible. 

    Quand je les revis, ils étaient tous deux dans une maison qui m'était familière, au coeur d'une campagne déserte. C'était « notre » maison. Ils vivaient tous deux là, assez bien, ayant récupéré des meubles et des richesses je ne sais comment. Bien sûr, ce n'était rien comparé à leurs deux anciennes vies. Il n'empêche qu'ils avaient réussi à se procurer un piano et, amoureusement, ils en jouaient chacun leur tour au moins une fois par jour. 
    À un moment, Éloïse était en train de jouer la septième symphonie de Beethoven, sa préférée sans aucun doute, quand elle tomba de son tabouret, le visage déformé par la douleur. Elle appela Edouard de toutes ses forces, paniquée, se tenant le ventre, et il courut à elle. Vite, il l'aida à s'installer sur un lit du premier étage et, pendant plusieurs heures d'après ce que je pus comprendre, ils se battirent pour faire naître leur enfant. 
    Et quand le souvenir se stabilisa, je me retrouvai face à Edouard en pleurs, visiblement en proie à une douleur sans nom, et qui tenait dans ses bras le petit corps d'un bébé que je crus d'abord mort. Mais soudain je vis ses petites mains s'agiter et il se mit à pleurer. Seulement, mon pianiste ne fit pas un geste pour satisfaire ses envies, sa faim, il resta là, planté au milieu de la chambre, à pleurer de toutes ses forces, toutes ses tripes, toute l'eau qu'il pouvait déverser. M'approchant du lit, je pus distinguer un spectacle que jamais je n'aurais voulu voir : Éloïse était là, étendue dans une mare de sang et de liquide amniotique, pâle comme la mort. Ses yeux étaient à moitié fermés et sa robe bleue à dentelles pendouillait pitoyablement de chaque côté de la jeune femme. Et Edouard, incapable de se consoler, pleurait, pleurait, pleurait... C'était si touchant, si déchirant que j'aurais voulu hurler ma tristesse, mais mon corps ne m'appartenait plus. Et tandis que je me battais pour retrouver l'usage de mes mouvements, la scène se brouilla et le jeune pianiste m'apparut en train de laver la robe bleue, les yeux bouffis, le teint pâle, puis en train d'enterrer sa moitié au fond du jardin, puis en train de nourrir comme il le pouvait son fils de quelques jours. Plus jamais je ne le vis jouer du piano, plus jamais il n'esquissa le moindre sourire. À la fin, le pauvre jeune homme toussait, crachait du sang, épuisé, tremblant, fiévreux. Sa fin était proche, malheureusement. Et vers les derniers souvenirs, il alla porter son nourrisson dans un orphelinat, incapable de s'en occuper, avec l'air de quelqu'un qui monte sur l'échafaud. Je ne l'aperçus plus que quelques fois, en train d'étreindre la photographie de son aimée, les bijoux, de se perdre dans les images de son enfance... Il mit tout ce qui comptait pour lui dans cette boîte, y comprit une fiole vide ouverte, comme pour prévoir quelque chose dans un futur où il ne serait plus là. Je pense qu'il savait qu'il resterait sur terre pour veiller sur sa dernière demeure, sur son enfant, sur ce qui restait d'Éloïse. 

    Et puis ce fut le noir.

     

    La Maison derrière la Gare

     

    « Tom... me murmura une voix infiniment triste, que j'étais seul à entendre. Tom... Tu as entendu mon histoire, tu comprends pourquoi je veux protéger mes souvenirs... Quand j'ai écris cette lettre, j'étais si furieux contre le monde que je voulais tuer quiconque osait violer mon sanctuaire, mais finalement, j'aurais dû être plus tolérant. Tu vois, j'ai veillé sur mon fils, j'ai gardé ma demeure, j'ai fait en sorte que seuls ceux dont les intentions n'étaient pas celles de voler puissent voir cette maison. Et je me suis rendu compte, une fois ma mission accomplie, que je ne pouvais pas quitter mon état de fantôme, que j'étais condamné à errer dans ce monde, ignoré de tous, maudit jusqu'au bout. Alors je me suis enfermé dans cette petite fiole, j'ai refermé la boîte, j'ai préparé des briques pour donner une chance de salut à un éventuel violeur de souvenirs, et puis je me suis emmuré pour dormir jusqu'à la fin des temps. Mais quand vous avez ouvert mon tombeau, je me suis libéré de la fiole, pris d'une colère sans nom, et j'ai décidé de vous pourchasser jusqu'à ce que vous trouviez le moyen de me remettre, moi aussi, à ma place, comme tous les autres objets. Mais j'ai vu que tu n'avais pas de mauvaises intentions, et... J'ai enfin compris la raison de mon emprisonnement sur cette terre : au fond de moi, je voulais transmettre mon souvenir à quelqu'un d'autre pour que je ne meure pas vraiment, et donc pour qu'Éloïse revive d'une certaine façon dans les souvenirs d'un autre. Ainsi, en quittant cet endroit, je restais quand-même un peu en ce monde, que malgré tout j'affectionnais... »

    Il marqua un temps de pause. Essoufflé par tout ce passé ravivé, par ma récente course, par cette voix qui résonnait dans ma tête, je reprenais doucement mes esprits.

    « Je... J'ai tout saisi, Edouard... » pensai-je. « Si vous désirez que je me souvienne de tout, je vous promets que je ferai en sorte de ne rien oublier... Votre histoire est si triste... »
    « Je te remercie, Tom. Oui, tel est mon désir : que tu préserves mon souvenir, que tu le transmettes. Ce serait mon dernier voeux. »
    « Je l'écrirai, je le donnerai à mes enfants, ce sera votre histoire. Je vous le jure ! Et... Peut-être que... Enfin je veux dire... Vous ne pouvez pas rester éternellement dans cette vieille maison... »
    « En l'abandonnant, je la laisserai à la merci de n'importe quelles personnes qui pourront la piller. »
    « Mais c'est la vie, Edouard... Je sais, moi aussi, que ma maison disparaîtra d'ici quelques décennies, peut-être d'ici quelques siècles. C'est ainsi que va le monde, on ne peut rien y faire ! Votre souvenir sera préservé, vous n'avez plus besoin de protéger cette maison. Il est temps pour vous d'aller retrouver Éloïse... Elle vous attend depuis si longtemps ! »

    Encore une fois, le fantôme fit le silence. Puis il se décida à reprendre, d'un ton ému :

    « Oui... Ma chère Éloïse... Tu dois avoir raison, il faut que je la rejoigne ! »
    « Mais comment puis-je vous aider à repartir ? »
    « Tu vas remonter, je retournerai dans ma fiole, puis tu mettras le feu dans la boîte ouverte et tu refermera le trou. Mon âme s'envolera, entourée de souvenirs, vers des terres plus accueillantes. »
    « D'accord. »

    Je me levai difficilement, les membres engourdis par ma chute et ces longues minutes passées sur le sol. La pièce entière était comme neuve et c'était une étrange sensation que de me trouver là, au milieu d'un passé ressuscité.

    « Tom ? »
    « Oui ? »
    « Attends... Je... Je voudrais te demander un dernier service... »
    « Tout ce que vous voudrez. »
    « Est-ce que... Est-ce que tu me permettrais de... De jouer pour la dernière fois ? »
    « Vous voulez que je vous écoute ? »
    « Non. Je... J'aimerais que ce soit toi qui joue, tu vois, comme avant, quand j'avais encore un corps matériel. »
    « D'accord. »

    Aussitôt, une force qui n'était pas la mienne fit bouger mes jambes et me guida vers le piano devenu splendide. Je m'assis sur le tabouret, je retroussai mes manches... Et puis tout à coup mes mains se posèrent sur le clavier d'une blancheur éblouissante et se mirent à jouer. C'était un air entraînant, presque joyeux, et je ne voyais même plus mes doigts tant ça allait vite ; j'en fus époustouflé. Comme il jouait bien ! Il aurait dû remplir toutes les salles, remporter tous les prix, percer pour toujours dans le monde du piano, mais son destin l'en avait empêché... Comme la vie était mal faite, parfois ! Si seulement Éloïse n'avait pas été promise, si seulement leur enfant avait été légitime, si seulement une infirmière avait été là à son accouchement, tout cela ne serait pas arrivé. Edouard serait mort âgé, heureux, entouré de sa famille, et il serait parti ailleurs main dans la main avec son aimée. Quelle triste histoire... 

    Enfin, au bout de dix minutes, le piano cessa. Mes mains retombèrent, inertes, et j'entendis les sanglots de mon fantôme au plus profond de mon âme.

    « Venez, il est temps d'y aller, maintenant... » lui soufflai-je. « Et puis qui sait ? Il y a peut-être des pianos dans ces terres accueillantes ! »

    Alors je me levai et, résolu, encore un peu sonné, je gravis l'escalier d'un pas pesant tandis que le salon redevenait vieux, délabré, dépassé, et que les murs du couloirs recommençaient de couler. Arrivé au deuxième étage, devant la porte fermée, je laissai faire Edouard ; tout naturellement, il me fit poser les deux mains à plat sur le panneau et, d'un coup sec, je poussai avec la force de l'esprit autrefois vengeur. Le battant sortit à moitié de ses gonds et la porte se fracassa dans un énorme bruit couvrant les cris des traîtres parqués là. Ne résistant pas à cela, je leur lançai un regard des plus cruels, des plus furieux et méprisants. Puis, ignorant ces lâches qui s'enfuirent aussitôt, je m'approchai de l'étagère dont toutes les planches étaient de nouveau couvertes de livres. J'enlevai ceux qui cachaient les deux briques, j'ouvris le mur, je récupérai la boîte... À l'intérieur, tous les objets dormaient, paisibles, comme si personne ne les avait dérangés. Je me saisis de la fiole et, guidé par Edouard, je la portai à ma bouche. Alors un courant tiède sembla s'arracher de moi, me faisant presque mal, et à l'intérieur du petit objet de verre, un nuage devenu argenté commença à s'étendre, bien plus lumineux que le fantôme aux yeux rouges de larmes que j'avais croisé quelques minutes qui semblaient heures auparavant. 

    « Merci beaucoup, très cher Tom, me dit la voix d'Edouard qui sortait de la fiole. Je ne t'oublierai pas, s'il y a une mémoire après la mort. 
    - Je n'ai pas fait grand-chose... murmurai-je.
    - Plus que tu ne le crois. Tu as offert à mon Essence un havre, un lieu de paix, un passage vers la Terre. Grâce à toi je vis sur Terre et dans l'Ailleurs, mon souvenir reste préservé. Et laisse-moi te dire une chose avant que ta main ne me pose dans la boîte : tant qu'en toi vivra mon ancienne histoire, tant que tu t'efforceras de ne rien oublier de ce que tu as vu, une petite partie de moi continuera de vivre en toi. Ce que je veux dire, c'est que... Enfin... Tu verras. Alors adieu, Tom ! Tâche de mener une vie meilleure que la mienne, car elle n'a pas de prix. Ne fais que ce que tu crois bon, remplis ta vie de tout ce que tu aimerais faire, même ce qui te semblait impossible. Car rien n'est impossible quand on le veut ! J'ai fait l'erreur de me perdre, de m'effondrer sur moi-même, de ne pas tenter de remonter sur scène. Je sais à présent que si je l'avais vraiment voulu, j'aurais pu continuer une vie normale, une vie où mes rêves se réalisaient, où je séjournais en ville, dans une belle maison, avec mon épouse et mes enfants. Je ne suis pas une victime du destin ; c'est moi qui ai forgé cette triste fin, seulement moi. Mais le temps n'est plus aux remords : ce soir, je pars vers d'autres univers !
    - Adieu, Edouard. Je penserai souvent à vous. »

    Ému, je posai la fiole dans la boîte, puis une inspiration certainement venue d'Edouard me poussa à fouiller dans un tiroir où reposaient de grandes allumettes poussiéreuses. Je mis un certain temps à en allumer une, mais finalement, je triomphai. Alors je m'appliquai à mettre le feu à la robe, à la lettre, à la plume, et bientôt les flammes prirent. Je ne voulais pas voir ça. Je remis une à une les briques en place et, comme par magie, elles se scellèrent de sorte que je ne vis plus du tout la forme de l'ancien trou qui se trouvait là. Et quand je remis les livres à leur place, j'entendis un rire des plus joyeux qui s'élevait dans les profondeurs de la maison, comme si la maison elle-même se mettait à jubiler, à revivre. 

    Et puis ce fut le silence.

    Je retournai au premier étage, un peu perdu et encore un peu triste.

    « Bon, ben je ne sais pas vous, mais moi, je vous laisse, bande de poules mouillées ! criai-je soudain de toute ma voix. Comptez sur moi pour raconter à tout le monde à quel point vous êtes braves ! »

    Tout à coup, il y eut du mouvement du côté du salon. Je tournai le regard, détaché, et je vis Leslie, Estelle, Mathieu et Thomas agglutinés sous le piano, tout tremblants comme des chatons. Je ne pus retenir un petit sourire ; je me sentais soudain plus fort, plus assuré, mieux dans ma peau. Pas besoin de revanche : qu'importe, ils n'avaient rien vu, et moi je savais tout.

    « C'est... C'est bien toi, Tom ? demanda Leslie, perdue. 
    - Non-non, c'est le pape.
    - Où est le fantôme ? »

    Je m'approchai d'eux, sûr de moi. Un peu moqueur, je m'appuyai sur l'instrument délabré et les regardai de mon air le plus amusé possible.

    « Quel fantôme ? » ricanai-je.

    Les yeux des quatre comparses s'agrandirent de stupeur. Sur la vitrine d'une étagère en face, je pus voir mon reflet, aussi charmant que quelques minutes plus tôt, dénué de boutons, mince, beau. Lorsque je retirai ma main du piano, une unique goutte visqueuse tomba sur le sol et à l'endroit où s'étaient trouvés mes doigts, un bois verni et poli, comme neuf, luisait de toute sa splendeur.

     


     

     

    Tous droits réservés.


     


    Tags Tags : , ,
  • Commentaires

    1
    Mardi 24 Mai 2011 à 15:54

    Petite précision : les commentaires laissés dans une police plus épaisse datent de l'année dernière et proviennent du précédent blog sur lequel était hébergée cette nouvelle.

    A savoir aussi : quand les lecteurs parlent de chapitres ou d'épisodes, ils font référence au fait qu'au départ, La Maison derrière la Gare a été publiée en feuilleton ; les épisodes débutent par une image, il y a six épisodes en tout. 

    2
    Mardi 24 Mai 2011 à 15:55

    J'ai lu le premier chapitre, je suis en train de m'attaquer au second. Pour l'instant, je n'ai rien à dire, c'est bien écrit, c'est pas chiant, pas de fautes d'orthographe... 
    J'ai un peu plus de mal avec le sujet, mais ce n'est qu'un avis personnel. Dans le premier chapitre, ta façon d'écrire me rappelle beaucoup les Chair de Poule (la grande littérature, tu me diras). Je m'explique : le choix de tes sujets - des collégiens - ça fait penser aux séries Z avec des teenagers en train de se faire poursuivre par un type avec une tronçonneuse ; ça peut être sympatoche mais c'est usé jusqu'à la corde. Après, je ne sais pas comment tu vas amener la chose, s'il faut, il ne va pas y avoir de type avec une tronçonneuse (j'espère pas, en tout cas) et peut être que ton histoire va prendre une tournure complètement différente par la suite, je te fais juste part de ma première impression. 
    Sinon, deuxième bémol, je trouve ta façon de raconter très neutre, très... euh, comment dire ? Blanche, un peu aphone. Je suis peut être difficile à ce propos car j'aime des écrits un peu couillus, qui ont du caractère et qui te crachent des émotions à la gueule (pardon pour ce vocabulaire digne d'un camionneur). Enfin, ce n'est qu'un avis, je n'ai rien contre les écrits tranquilles, c'est un style comme un autre. 
    Sur ce, je lis ta deuxième partie.

    3
    Mardi 24 Mai 2011 à 15:57

    Merci, Elena (enfin... je suppose que c'est toi, non ? XD), de prendre du temps sur mon blog. J'ai aussi parcouru le tien ; je trouve que tu écris très bien, je comprends parfaitement ce que tu veux me dire dans ton commentaire parce que je vois à peu près ta manière de raconter. Comme je le disais à Clem, j'ai commencé par une nouvelle assez simple, qui rappelle effectivement les Chair de Poule (d'ailleurs j'en parle à un moment dans la nouvelle), mais c'est fait exprès. Tu verras par la suite si un type à tronçonneuse débarque (^^). Pour ma manière de narrer, peut-être as-tu raison, mais c'est vrai que généralement je suis assez en retrait, même si j'aime bien dire mon opinion par le biais de mes personnages ou que ma pensée est très implicite. Ton style plus présent me plaît aussi, c'est super, même si là aussi le sujet n'est pas au départ spécialement ce que je privilégierais dans mes lectures. 
    Merci donc de prendre de ton temps, j'espère que la suite te plaira !

    4
    Nicow66
    Mardi 24 Mai 2011 à 15:58

    Coucou, je suis très heureux de pouvoir enfin lire un des écrits.
    Dès que je trouve le temps, compte sur moi pour rédiger un petit commentaire sur ma lecture!!

    Gros bisous, Nico

    5
    siegfried777
    Mardi 24 Mai 2011 à 15:59

    j'aime bien le début de ton histoire, c'est très bien écrit. mais comme je ne suis pas un très bon écrivain, je ne vois pas trop ce que je pourrai faire comme commentaire. en tout cas je lirais la suite.

    6
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:00

    genial hihi a moi la suite =P

    7
    mavienamoi74
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:00

    Sorry masi tes textes sont hyper long =)
    Deja jpe te dire que j'en suis au piano, et sa donn envie de lire la suite, que je viendrai lire demain car la j'ai des ptites choses a faire
    Surtout te dire que tu écris super bien, c un texte imaginaire ou un peu de ta vie ....

    ALala en tou cas, pour s'integrer a un groupe, certain ferai n'importe quoi malheureusement
    j4espere que ce n'est pas un piege !!!

    8
    Nicow66
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:01

    Coucou Cha' j'ai lu la première partie. D'habitude, j'ai du mal à rentrer dans les histoires que je lis, ici ce n'est pas le cas. Je trouve que tu écris de manière très limpide et j'ai moi aussi lâché quelques sourires (notamment au moment du sms, je ne m'y attendais pas :D). J'aime beaucoup ce style très moderne et simple.
    Mon avis est celui d'un lecteur qui ne lit presque pas, mais celui d'un lecteur qd même ! Je te fais un gros bisou, et je reviendrais lire la suite dès que je trouve le temps (bcp de boulot en ce moment)

    9
    Mllx-LauurAx
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:02

    j'ai lu et a certain momen g lacher un petit sourire =D tu écri bien quoi ke je te trouve un peu pésimiste parfoii ... maiis bon tu a de tré bo texte ...

    10
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:03

    J'ai lu toute la première partie, que je trouve vraiment très bien écrite pour le moment, je ne me suis vraiment pas ennuyée, j'ai même sourit à quelques passages, là je suis fatiguée, mais dès demain matin je lis la suite car j'ai vraiment hâte de voir si mes supposition sur la suite son exactes :p Bizoux ma Cha' =)

    11
    Clem14
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:04

    eh chacha!! astucieuse l'idée du blog, jspr que t'auras des lecteurs assidus (mais je n'en doute pas!!)!!jai lu tes débuts, c'est plus tôt pas mal!!ya pas de longueurs, on est assez vite pris ds l'action et ya un petit supsens qui ns tiens en haleine!! juste le début ce côté un peu gamin, peut être essayer de ne pas tt dire au niveau de ses complexes: intello, bouton, ringards... On se doute de tt ça, mais essaies plutôt de l'introduire par la suite pr rappeler où renforcer l'image du personnage: ça fait tp caricature au début!!
    n'y aurait-il pas une petite inspiration de la maison où Voldemort a pris place dans Harry Potter?
    Bon sinon le style, la description, l'ambiance.. sont biens!!
    voila voila!! si jai d'autres conseils jte les ferai parvenir!!

    12
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:05

    Ma Clem !! Je suis contente que tu sois venue, j'espère que tu vas bien. Pour la présentation de Tom, j'ai fait un peu exprès de le caricaturer ; pour commencer j'ai choisi de faire une nouvelle assez simple, qui s'adresse plutôt à des ados à partir de 9/10 ans jusqu'à... à peu près quinze ans ? Je ne sais pas trop, mais c'est vrai que ça ne vise pas vraiment des jeunes entre 16 et 20 ans. La prochaine fois, je vais essayer de trouver un sujet plus sérieux, quelque chose de plus mature (mais vais-je y arriver, that is the question). Ca me fait vraiment plaisir que tu sois venue, gros bisous !

    13
    siegfried777
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:06

    bon bah c'est très bien comme suite, je vais lire la suite même si c'est un peu long. en tout cas ce n'est pas ennuyeux comme histoire.

    14
    Black-History-x
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:07

    J'ai pris le temps de lire le premier et deuxieme episode je le trouve vraiment genial !!! Continue comme sa ;)
    Bisouuus

    15
    Nicow66
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:08

    « Chasse-le, chasse-le !! s'écria cette idiote, ne se doutant certainement pas du nombre de décibels qu'elle nous envoyait dans la figure. 
    - Non mais je rêve... » lâcha Mathieu, prenant presque pitié face à une réaction aussi excessive.
    "

    J'ai ris ^^

    Une histoire gentille, ça change xD
    Il est finalement beaucoup moins timide qu'on ne le pensait au début ce personnage principal (Tom je crois ???)!
    Il sait parlait aux femmes xD

    16
    ProdygeCrew84
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:09

    Ouai ce qui est dommage c'est que beaucoup de gens ne liront pas tt parce que c'est long, des idiots ! moi honnêtement j'apprécie ce que tu fais c'est magique...

    17
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:10

    Merci beaucoup ProdYge, ça me va droit au coeur ! Bonne continuation et peut-être à bientôt !

    18
    Clem14
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:11

    C'est bien!!On est bien pris ds l'action et t'as progressé en matière d'écriture, mm si c'est destiné au plus jeune ça fait pas tp gamin!! continue, ça peut mener quelque part!! et tkt pas, c'est pas psk tu veux te lancer ds l'écriture que t'es obligée de traiter de sujets sérieux, philosophiques!Laisse toi porter par ce qui t'inspires!
    pleins de bisous, j'attends la suite :D

    19
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:11

    Clem, je suis super contente que tu prennes de ton temps pour venir sur mon blog, ça me fait vraiment plaisir !! Pour la peine, il faut que je vienne te voir danser, obligé !! Merci pour tes compliments et surtout n'hésite pas à le dire si quelque chose te gêne !

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    20
    siegfried777
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:12

    ah bin l'histoire commence à prendre une tournure innatendu, j'ai hâte de lire la suite, continue comme ça c'est très bien.

    21
    Xx-Vida-Of-Stephy-xX
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:13

    J'adore ! Tu fais perdurer le suspense, et ton histoire en ressort d'autant mieux ! Continue ! En tout cas moi ça me donne envie de lire la suite ! Bisous

    22
    totie66
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:14

    Je trouve ça ignoble de couper l'histoire à ce passage, je suis trop en stresse moi maintenant ! Mais bon, je suis sure que tu as fais exprès mdr ! Bigloos

    23
    totie66
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:14

    Ca fait plus d'une heure que je poireaute, la suiiiiiteuuuh T_T

    24
    siegfried777
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:15

    c'est toujours aussi bien, je reviendrai lire la suite plus tard avec plaisir.

    25
    Mzel-march
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:16

    Tu as toujours ete douee mais alors là, j'avoue que je reste sans voix. Tu ecris tellement bien Charlotte. En simplement deux ou trois phrases, tu nous embarques avec toi, tu nous fait vivre tes histoires. 

    Je t'embrasse ma belle. 
    Continus de nous faire vivre tes histoires, vraiment..

    26
    signal-911
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:16

    Bon ! lâcha soudain Mathieu en serrant son poignard droit devant lui. Moi, je ne suis pas une mauviette. Je vais aller le voir, votre soi-disant fantôme : Casse-lui la tronche, Rambo ! 
    J'aime bien ta nouvelle. Ca me rappelle mon enfance. Je continue ma lecture.

    27
    Clem14
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:18

    quel suspens insoutenable :D!ba continue, ya pleins de qualités!!après faudra voir l'ensemble!!
    bisous bisous

    28
    totie66
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:18

    Trop trop trop trop bon ! Mais trop trop trop trop court ^^' Bigloos

    29
    totie66
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:19

    J'suis une groopie, grosse fan de la vie xD

    30
    siegfried777
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:19

    j'aime bien comment t'écrit, tu as dû beaucoup t'entrainer pour écrire comme ça. en tout cas je ne manquerai pas de lire la suite.
    bonne continuation

    31
    Xx-Vida-Of-Stephy-xX
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:20

    C'est très émouvant, très triste... Mais très bien dit !

    32
    siegfried777
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:21

    Et voilà c'est finit, je ne regrette pas d'avoir lu ton histoire car j'ai beaucoup aimé.
    je te souhaite une bonne continuation à toi et à ton blog.

    33
    XFinalX
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:21

    j'ai vraiment aimé ^^

    34
    Clem14
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:22

    eh bien chacha!! Bravo bravo, cette première nouvelle est vraiment bien, enfin en tout cas moi j'ai été prise dans l'action et jme suis pas ennuyée!! Et quelle belle leçon de morale :D
    jte fais des bisous et j'attends le récit d'un " amour passionnel à l'état brut "ac impatience !!

    35
    Xx-Vida-Of-Stephy-xX
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:23

    MA-GNI-FI-QUE ! Rien à redire, c'est vraiment très beau, très belle fin !

    36
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:24

    Merci à tous pour tous ces commentaires et ce soutien que je n'ai pas oubliés. Vous avez pris le temps de me lire, de me faire vos critiques, bonnes ou mauvaises, c'est un cadeau que j'ai beaucoup apprécié... Et que j'apprécie encore =)

    37
    Mardi 24 Mai 2011 à 16:28

    Note : La Maison derrière la Gare ayant été postée sur un site d'écriture, de nombreux commentaires se sont rajoutés à ceux précédemment cités. Je ne sais pas encore si je peux les mettre directement sur ce site, il faut que je demande aux principaux intéressés... En tout cas dans l'ensemble ils sont très positifs, et j'en remercie profondément tous ceux qui m'ont témoigné de leur enthousiasme.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :